Tour de passe-passe au Harry’s Bar de Venise

Tour de passe-passe au Harry's Bar de Venise

L’art de recevoir, qui a toujours été le sceau du style d’Arrigo Cipriani, présente des nouveautés inattendues. Découvrons-les avec notre Fiammetta Fadda

Diable d’homme ! A 89 ans (cette année il en aura 90), Arrigo Cipriani ne se borne pas à argumenter contre le pouvoir excessif des cuisiniers, rappelant que la mission du restaurateur est de mettre le client à l’aise en lui offrant une chambre accueillante dans son ( apparente) simplicité avec un service parfait. En effet, elle relève le défi de démontrer que dans ce petit trou de quelques dizaines de mètres carrés qu’est leLa barre d’Harry vous pouvez faire une scène de ‘Grand Restaurant’.

C’est ce dont tout le monde parle aujourd’hui comme du nouveau futur de la restauration, où le spectacle n’est pas dans la conception des aliments à l’intérieur de l’assiette, mais dans les gestes de ceux qui, à table, savent donner le spectacle en fouettant une pâte, épingler un poisson, découper un rosbif, donner des coups de pied à un oiseau.

Vous connaissez celle d’Harry ? Impossible d’être à Venise et de ne pas vouloir faire de pari. Je dis vouloir parce que, en ce qui concerne le pouvoir, c’est un problème. Il n’y a pas de jour, de semaine, de mois, de saison de l’année où il n’y a pas de surréservation et d’encombrement. Au moins pour le déjeuner ou le dîner, car, comme pour l’apéro, Arrigo a toujours aimé le « plus occupé que ça » : au bar sur des tabourets et debout, collé contre la porte d’entrée. Bien sûr : le mélange de nationalité, d’âge, de tenue vestimentaire, est irrésistiblement agréable, auquel s’ajoutent la part d’habitués vénitiens qui apprécient la « voix amicale », ou le privilège d’une petite remise sur la consommation.

La carte du restaurant est une liste de plats simples (quoi de plus simple qu’un Carpaccio ?), bons, aux portions généreuses, qui n’a jamais succombé à la mode du menu dégustation, pour Arrigo symbole de l’arrogance du chef, car « sachant accueillir, c’est laisser l’invité libre de choisir ». Et là aussi il avait raison, d’abord à contre-courant, désormais à l’avant-garde avec sa philosophie de proposer des saveurs riches de racines identitaires et reconnaissables. Tagliolini, risotto qui suivent les saisons, Foie vénitien, les célèbres Scampi alla Carlina, Poulet au curry avec riz pilaf.

Mais revenons à la salle. Vous avez commandé, disons, le Risotto à la chicorée, un classique de la maison. Dans cette salle partagée par le bar et le restaurant, où il n’y a pas moins d’une cinquantaine de personnes, en plus du passage de ceux qui sortent ou entrent dans la salle du dessus, le serveur (élastique, pointu et certainement en forme), amène et ouvre grand dans devant vous une table pliante, vous déposez le plateau avec la soupe du risotto, les accessoires pour le finir, les plats chauds ; termine la préparation, la dépose dans les assiettes et vous la sert. Tout le monde regarde, et vous faites aussi partie du spectacle. Puis, au dessert, le grand final : après avoir débarrassé la table, le serveur réapparaît tenant une nouvelle nappe tendue devant lui : il l’enroule soigneusement, la déroule délicatement sur la table qui est maintenant prête pour le dernier acte. Nous sommes au niveau du tour de passe-passe. Applaudissements.

Harry’s Bar – San Marco 1323 – Venise, Italie 30124
Ouvert du vendredi au mardi de 12h00 à 23h00

Ronan Il Quadrifoglio
Ronan Il Quadrifoglio

Ronan, rédacteur pour Il Quadrifoglio, marie sa passion pour la cuisine italienne à un style rédactionnel riche et captivant. Expert en tendances culinaires, ses articles offrent une immersion gustative unique, faisant de chaque plat une histoire à découvrir.