Paris : Ducasse et Adrià, la collaboration exceptionnelle

Paris : Ducasse et Adrià, la collaboration exceptionnelle

Italiens, Français et Espagnols se posent toujours les mêmes questions : qu’est-ce qu’on mange ? Et qu’est-ce qu’on boit ensemble ? Paroles d’Alain Ducasse, qui ravit les palais à Paris avec une collaboration spéciale où il ne manque que l’Italie (pour l’instant)

« Le rôle d’un chef aujourd’hui se définit dans ce qu’il a à sa disposition, ce qu’il sait, ce qu’il fait à l’endroit où il se trouve à ce moment-là », Alain Ducasse être taillé dans la roche. «Et aujourd’hui, nous sommes à Paris, on regarde ce qu’on a fait et, en croisant nos expériences, on s’est créé une vision, une expérience, qui peut nous plaire ou pas, mais elle est unique, décidément unique ». Allons-y dans l’ordre. Quand le plus grand chef français et gourou de la cuisine planétaire dit « croiser les expérienceset « fait référence à la sienne, bien sûr, mais aussi à celle de Albert Adria, pâtissier de El Bulli quand il était le restaurant sur le toit du monde et aujourd’hui protagoniste acclamé de la scène gastronomique. L’histoire raconte que le chef français était chez Ticket’s, dans le restaurant du frère de Ferran à Barcelone et, séduit par la bonté de la nourriture, il a inventé une collaboration destinée à rester dans l’histoire – un peu comme quand on se rencontre par hasard pour la route et un dîner se conjugue entre le lusco et le abrupt (Lam). Parmi leurs complices, il y a aussi Romain Méder Et Jessica Préalpato, respectivement chef et pâtissier d’Alain, pour définir un concept de restaurant éphémère qui marquera l’histoire, ADMO aux Ombres, qui a débuté le 9 novembre et devrait durer jusqu’au 3 mars 2022 (100 jours oui, car on sait qu’au-delà des Alpes, ils ont toujours une fixation un peu sur Napoléon).

Mais alors il arrive Vincent Chaperon, chef de cave de Dom Pérignon, qui ajoute le millésime des millésimes à un sublime repas, le Dom Pérignon rosé millésime 2008, aujourd’hui également édité en version Lady Gaga. Polyvalent, capable de créer une grande harmonie. avec ce beau perlage fin mais aussi très persistant, une présence qui se définit à la fin dans un nuage de légèreté, vous laissant séduit et heureux (s’ils vous en offrent un pour Noël, peut-être devriez-vous le garder de côté ou le boire pour un vrai moment spécial). Et puis, le lieu symbolique, empathique, sensationnel, mémorable : le musée du quai Branly à Paris, dédié aux arts et civilisations des autres continents, construit il y a quinze ans sur un projet de Jean Nouvel pour une intense envie du président de l’époque Jacques Chirac. Sur le toit de l’immeuble, il y a le restaurant Les Ombres avec terrasse et vue sur la Tour Eiffel.

Voici ce que nos amis du Champagne: dégustation de rosé en terrasse avec un foulard bien chaud sur les épaules et un casque avec musique ad hoc sur les oreilles. Le verre plein et la dégustation sans paroles, seulement des notes, et les yeux fixés sur la Tour Eiffel. L’essence de Paris. Des trucs qui ressortent dans le cortex cérébral celui des souvenirs à long terme et à partir de là ça ne bouge plus. Prenons des notes : l’équivalent d’un Brunello di Montalcino dans le Val d’Orcia ? Un Barolo les yeux rivés sur les pentes des Langhe ? A copier d’urgence.

(ph Fabien Hemard)

Et puis dîner. Amuse-bouche : Caviar au lait d’amande et céleri. Un cracker à la châtaigne d’Ardèche très léger au beurre de châtaigne et aux feuilles de curry. Une meringue fondante à la crème Brillat-Savarin, champignons et truffe d’Alba. 14 dégustations, telles que le soba de peau de morue avec une soupe d’oursins et de champignons, des œufs de caille et encore des concombres de mer avec des pois chiches, de l’ail confit et du caviar (c’était intense hein, un contraste), du pain de riz et de la cire d’abeille et une inoubliable focaccia avec du beurre qui avait l’air comme une crème hydratante (de l’âme bien sûr), chou-fleur hydraté et réhydraté toasté au beurre noir, foie de lotte confit et pâte de sésame noir…. Une variété d’ingrédients et une créativité sensationnelle. Mais si vous revenez, vous ne trouverez pas le même menu. « La nourriture proposée est décidée par les pêcheurs et les agriculteurs en fonction des disponibilités de la nature », souligne Ducasse.

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Je t’assure, ça avait l’air d’être au déjeuner de Babette, même si le cadre n’était certes pas sévère du tout, et il y avait des bulles. Un chef espagnol catalan qui cuisine au pied du symbole le plus puissant de Paris (et donc de la France) impressionne car c’est comme voir Materazzi et Zidane boire un apéro, être au cinéma je pense à Alberto Sordi et David Niven , dans l’art de Léonard et Michel-Ange… Albert et Alain ensuite. «Mais il n’y a pas de rivalité ici, bien au contraire. Au lieu de cela, il y a le respect de la diversité, le talent n’a pas de nationalité, pas de couleur, et chacun est une inspiration pour l’autre. Cuisiner est un acte de réconciliation » ajoute Monsieur. On en vient à penser à une sorte d’embryon d’une cuisine européenne où l’Italie manque pourtant. « Français, Espagnols et Italiens se posent toujours la même question, ou plutôt deux : qu’est-ce qu’on mange ? Que buvons-nous ensemble ? J’aime la cuisine italienne, la cuisine du soleil, de la diversité des cultures de la région. Chacune a su préserver son identité, sa créativité méditerranéenne. On a envie de parler d’une bonne assiette de paccheri en bronze avec une belle sauce à la viande ? Ou un poisson grillé tel quel, tel quel ? ». A bientôt donc, en attendant une cuisine européenne, en attendant il y a ADMO, jusqu’au 3 mars.

Ronan Il Quadrifoglio
Ronan Il Quadrifoglio

Ronan, rédacteur pour Il Quadrifoglio, marie sa passion pour la cuisine italienne à un style rédactionnel riche et captivant. Expert en tendances culinaires, ses articles offrent une immersion gustative unique, faisant de chaque plat une histoire à découvrir.