Comme nous mangeons au Seigneur, vous vous en remerciez

Comme nous mangeons au Seigneur, vous vous en remerciez

Un restaurant qui explore toutes les textures du monde végétal, conscient du fait que les protéines animales doivent être limitées. De l’étoile Michelin à la cuisine du « bon sens », l’expérience du chef Michele Biagiola enseigne le juste mélange de produits locaux et d’ingrédients sauvages pour une cuisine durable

Seigneur merci. Le resto de Michèle Biagiola on l’appelle ainsi parce que « le Père Éternel a mis à notre disposition toutes les matières premières et les aliments nécessaires » et nous n’avons qu’à rendre grâce. Un message clair pour profiter de la création et des fruits de la nature. Le nom marque aussi un choix éthique, mais en même temps folklorique au sens profond du terme, dans un territoire où la campagne est imprégnée de religiosité, de rites anciens qui survivent encore dans la tradition rurale.

Le chef

Michele Biagiola est connu pour être un « chef étoilé » de la région des Marches. Il avait remporté l’étoile Michelin en 2002 alors qu’il était aux commandes de la cuisine de l’Enoteca Le Case à Macerata. Une reconnaissance tenue depuis douze ans, mais qui n’a jamais été vécue comme une obsession. Le restaurant actuel a vu le jour en 2016, lorsque le chef a décidé de prendre « son propre chemin » en choisissant un lieu sur la place aux accents léopardes de Montecosaro (MC), l’un des plus beaux villages d’Italie à deux pas de la mer et à proximité de la capitale de la mode : Civitanova Marche, avec ses points de vente des grandes marques de mode et la vie nocturne adriatique. Ses clients sont aujourd’hui jeunes et attentifs. Avant tout passionné de gastronomie et curieux de goûter à une cuisine créative qui valorise les produits locaux : à la fois cultivés et sauvages. Celle de Biagiola est avant tout une cuisine de bon sens. Pas un endroit pour les végétariens (il y a des plats de viande au menu), mais un restaurant qui vise à découvrir toutes les textures du monde végétal, conscient du fait que les protéines animales doivent être limitées.

« Enfant, j’attendais avec impatience le dimanche pour goûter les tagliatelles ou ce poulet de fête dont il ne restait même pas un petit reste », raconte le chef. «Aujourd’hui, je ne peux pas concevoir le gaspillage, le bouleversement des habitudes alimentaires, où la viande représente les protéines dites faciles et bon marché, disponibles quotidiennement à emporter en allant au comptoir du supermarché. Le mix protéiné doit être dosé, comme il l’était dans les tables de nos agriculteurs. Je ne veux pas faire de petite éducation alimentaire, mais il est clair que les protéines animales, issues pour la plupart d’activités intensives, doivent être limitées et la cuisine est un outil utile pour proposer un point de vue différent ».

Comment ça fonctionne

Sa brigade de cuisine se joint aux incursions dans les montagnes et la campagne à la recherche d’herbes sauvages. Une pratique et en même temps un moment d’étude et d’expérimentation qui unit l’équipe et permet de redécouvrir les traditions anciennes et les usages ancestraux des matières premières spontanées. « Varier l’alimentation et accentuer la saisonnalité est un phare », poursuit Biagiola. « Il était une fois rien n’était perdu. Dans le passé, il était impossible de voir un arbre avec des fruits suspendus non ramassés. Un seul arbre fruitier fournissait tout le nécessaire. Dans la nature, il existe de nombreux aliments à chaque saison de l’année. Une promenade dans la campagne suffit pour s’en rendre compte ».

Les plats principaux : spaghetti aux herbes arrabbiata

le spaghettis aux herbes arrabbiata: une séquence progressive d’herbes de plus en plus piquantes. Il part de la fusée et passe à la feuille de poivre (plus piquante). Ensuite, il y a le cresson, qui lui donne de la fraîcheur. Et, encore, des feuilles de moutarde (récoltées dans les champs), de l’armoise (qui engourdit le palais) et la finale évocatrice de l’absinthe. A déguster aussi le potager dans votre assiette: une synthèse végétale de ce que le territoire offre entre sauvage et cultivé. Il puise dans le jardin, mais aussi dans le monde sauvage et stimule les sens. L’icône plate du restaurant est le seigneur merci: complet de la biodiversité disponible où l’expérience sensorielle est pétillante, salée et aussi sucrée. Un plat cohérent dans sa philosophie, mais qui change chaque jour en fonction de la disponibilité des ingrédients, exaltant les senteurs de la campagne environnante. Le dernier né est le ramen méditerranéen. Ici, la saveur du soja est remplacée par l’eau des poivrons « rôtis ». Poivrons grillés dont l’égouttement d’humeurs fumées devient bouillon. Le radis et le cresson font le reste tandis que la courgette cheveux d’ange et le basilic sanctionnent le caractère méditerranéen du plat.

Le chef présente alors des plats ironiques critiques du système de distribution : voir i sofficini ou encore les cubes d’épinards, s’amuser et se lancer le défi sauvage aux formes industrielles alimentaires. Au début de la saison estivale, vous pourrez déguster les buonerico, c’est-à-dire les épinards sauvages récoltés dans les montagnes. Avec son goût prononcé de noisette, il est proposé sous forme de cube (d’une manière sarcastique envers les épinards surgelés du supermarché) garni de beurre, de parmesan et d’une boule de raviolis frits. En plein été, à déguster absolument steak tomate à la milanaise; fruit dense et plein pouvant atteindre jusqu’à un kilo, avec une consistance charnue. C’est une tranche de tomate bordée de pain maison, panée et frite. Tout visuellement, cela ressemble à un vrai steak. La texture du monde végétal qui surprend.

L’été des Marches : le menu aux pêches de Saturnia

Michele Biagiola consacre du temps et des ressources à la recherche à travers les produits locaux. Un exemple est l’artichaut de Montelupone, qui au printemps est devenu le centre des propositions. Ou la pêche Saturnia, la pêche plate à pulpe blanche, particulièrement aromatique, qui est cultivée localement chez le voisin Ferme d’Eleuteri. Dans le papier, il y a lepas si salade russe, où la pêche Saturnia travaillée au vinaigre et la purslane, ou de l’herbe titulaire, plante spontanée riche en Oméga 3. Pour une carte entièrement dédiée à la pêche, le chef a également proposé le carpaccio de bœuf auxACE de pêche Saturnia, L’agneau laqué à la pêche ou, encore, le nouilles cuites à l’eau salée avec artichauts et poudre de pêche, accompagné d’une boisson désaltérante, d’artichaut et de pêche. Frais et vivifiant, comme le romantique gâteau aux pêches : le pizza battue en dialecte Macerata, c’est la génoise aux œufs, le bain de camomille, le yaourt et la pêche Saturnia.

Ronan Il Quadrifoglio
Ronan Il Quadrifoglio

Ronan, rédacteur pour Il Quadrifoglio, marie sa passion pour la cuisine italienne à un style rédactionnel riche et captivant. Expert en tendances culinaires, ses articles offrent une immersion gustative unique, faisant de chaque plat une histoire à découvrir.